POINT
DE VUE
Le
renforcement de la corporalité
Alors
que les arts de support (peinture, sculpture, vidéo, …) restent généralement les
produits d'un imaginaire individuel, les arts vivants comme la danse possèdent
une couche supplémentaire, l’extrême fragilité de la présence du danseur.
Dans
la danse il y a corps mis en scène, donc projection d'imaginaire, et ‘communication’
expressive
au travers d'un certain degré de ‘virtualité’. Ce virtuel est à la fois de l'ordre
de l'immatériel, de l'irréel, mais aussi du sensible.
La
virtualité prônée par les outils du numérique
peut nous faire perdre contact avec notre propre corps, mais aussi favoriser des
échanges, des rencontres avec les autres, nous renvoyer vers nous-mêmes et vers
la nécessité d'une plus grande implication sensorielle au monde. La technologie
engendre par là-même un processus dialectique.
Paradoxalement,
il est donc aujourd’hui possible d'imaginer avec la technologie un renforcement
de la corporalité.
Ce
renforcement est visible dans le retour des valeurs telles que le nomadisme et
les notions de "savoir incorporé, pensée caressante, approche érotique de l'ensemble
social", chères à Michel MAFFESOLI (Le
temps des tribus et Éloge de la raison
sensible).
Et la danse reprend à son compte ce processus
dialectique. N'est-elle pas justement, et depuis toujours, l'espace même de rencontre
de la réalité corporelle avec le virtuel, au sens de la corporéité ?
Jean Marc Matos et Anne Holst avec leur
compagnie K.Danse mettent en avant une approche radicalement nouvelle dans l’intégration
corps-technologie. Ensemble ils travaillent à intégrer la danse avec les outils
technologiques les plus avancés: interfaces interactives temps réel, Internet,
motion capture, dispositifs semi autonomes…
VISITE
D'ATELIER
Chorégraphe,
ingénieur en automatique, Jean-Marc Matos mène simultanément des activités d‘enseignant
de chercheur et de créateur. IL est co-directeur artistique, avec la chorégraphe
Anne HOLST de la compagnie K. Danse (créée en 1983 à Toulouse) présente dans les
principaux festivals et manifestations culturelles en France et à l'étranger.
- Jean-Marc, quel est l'apport
de la technologie dans la chorégraphie?
J'avance
l'idée selon laquelle face à l'inéluctable présence et imprégnation de notre quotidien
par les NTIC, le corps, et en particulier le corps dansé, est à même de proposer
et de projeter un véritable imaginaire moteur.
Parler
de corps, et de corps dansé, avec la technologie, en réseau,
dans le réseau, c'est parler de ma pratique de chorégraphe qui écrit avec les
nouvelles technologies, c'est dire mon expérience de danseur et la manière dont
j'implique le corps dans les spectacles danse et image, les performances et les
projets “en ligne”,
- Pourquoi dis-tu Danse « avec
» Technologie ?
Il
s’agit avant tout de ne pas séparer les deux termes danse et technologie, mais de voir
comment dans l’expérience d’une écriture poétique commune ils participent d’une
expérience physique qui les intègrent : danse avec technologie donc, plutôt
que danse et technologie.
Imaginer
de la sorte un corps ‘augmenté’. Ou du moins le remodelage d’une corporéité augmentée.
Le corps dansé en tant que système ouvert, toujours immanent, mais vivant l'expérience
de certaines incursions. Un corps qui témoigne de la transformation de notre monde
avec, comme langage, celui de la danse.
- Parles-nous maintenant des réalisations
de ta compagnie ?
Les
réalisations K.Danse se situent à la croisée des arts du spectacle et des arts
multimédias, font dialoguer la danse et l’image sur scène par l’utilisation de
projections vidéo (traitement en direct et différé),d’animations 3D et d’environnements
réactifs.
K.
Danse, en lien étroit avec des artistes plasticiens, vidéastes, infographistes,
compositeurs, de stature nationale et internationale, propose une action de création
multimédia dans les domaines croisés de la danse, du spectacle vivant, des arts
plastiques, de la musique et des technologies numériques en s’adressant à tout
public intéressé par les rencontres possibles entre ces différents domaines.
Ces
réalisations sollicitent des développements technologiques comme la capture du
mouvement motion capture) le calcul informatique en temps réel, l’adaptation d’interfaces
non câblées pour l’interactivité corps-image-musique, le montage vidéo virtuel,
la réalisation d’images de synthèse animées, l’écriture de logiciels pour l’encodage
et la synchronisation musique-image-lumière, l’adaptation à la danse des dispositifs
de visiophonie et internet, la recherche autour de dispositifs semi-autonomes.
- Quels
sont tes projets actuels ?
Dans
les prochains mois nous allons présenter plusieurs fois notre spectacle
"Icare Ecart" et nous préparons
actuellement une nouvelle création pour 2004, "A Corps Perdu (lovely user)"
qui sera présentée à Cahors et à Toulouse.